Que se passe-t-il dans les villes que nous laissons derrière nous ? Sans nous, dans les méandres des vies de ceux que nous quittons ? Que deviennent les chambres d’hôtel et les cafés, théâtres éphémères de nos rencontres comme de nos ruptures ? C’est un monde “surpeuplé d’absences” dont Guéorgi Gospodínov mène ici l’exploration. Un poème après l’autre, il dessine avec une délicatesse et une acuité hors du commun les contours de vies fragmentées entre présent et passé, entre frontières et patrie. Il y fait aussi le touchant inventaire de toutes les choses qui malgré tout tiennent tête au temps : gestes du quotidien, saveurs des plats simples, naïvetés des enfants, souvenirs d’amour et de la nature, bien sûr, toujours dépeinte avec révérence et comme la seule force à pouvoir réellement triompher de la mort.
Il restait tant de fois
seul devant les tables du monde,
regardant sa montre,
observant les gens,
griffonnant quelque chose
avec gêne évidemment,
dans ce même carnet
noir, vert, bleu
ou blanc au fil des ans.
Attendez-vous encore quelqu’un,
demandent les serveurs,
attendez-vous quelqu’un ?
Je ne sais pas encore, dis-je,
elle peut avoir du retard, dis-je,
elle peut
ne jamais venir.