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Bien des choses tournent dans la tête d’Amelia : l’Europe, la guerre, les réfugiés, le sens des traditions que l’on perd, le souvenir des marchands de livres à Paris, sur les bords de Seine, la nostalgie du papier, du charleston, des vieilles cartes postales et des photos glacées, tous ces objets témoins d’un passé fou avant que notre monde ne sombre dans les écrans et le tout numérique : ici les images étonnantes et les sujets de réflexion s’enchainent sous la plume polie mais néanmoins révoltée d’une poétesse qui ne veut plus être sage, ou alors seulement « férocement » !

Extrait

À quoi bon vouloir que mes gènes se prolongent
que mes yeux ou mon sourire
se dessinent sur le visage de quelqu’un
ou que les gens disent, oh, regarde, sa structure
c’est celle de sa mère ou de son père
c’est son portrait craché !
Ses cheveux sont les mêmes, il ne les perdra pas
et peut-être vieillira-t-il bien
car les rides elles aussi s’héritent,
et tout ce qui est extérieur quelque part s’imprime.
Mais les souvenirs, pas ceux des photographies
non, mais le vrai souvenir, quand je marchais
avec mon père, avec ma mère, avec ceux
que j’aimais et tenais
par les poignets, les mains, les doigts et les dents
et les pensées qu’ils m’ont fait naitre
comme des boules de passion et de désespoir,
de bonheur ou de pertes, de douceur
et de résistance fragile
Ça, je ne peux pas le transmettre.
Il n’y a personne pour hériter
des torrents dans ma tête de bruit et de voix.