Qui parle et où est-on, dans cette poésie noire, presque gothique ? Difficile de le savoir, l’endroit parait pourtant familier, à la fois délimité par le mobilier le plus quotidien, et ouvert sur des horizons effrayants… Des des ombres par la fenêtre, les sons de cloches, le passage d’une charrette, le rassemblement des oiseaux apeurés par les premiers froids… et puis la neige, omniprésente, souveraine, qui impose ses figements à deux êtres cohabitant dans l’indicible. La promiscuité s’amplifie jusqu’à la douleur. Chaque souffle devient agression, chaque parole un abime de colère. Et nous nous enfonçons peu à peu avec eux, jusqu’aux plus obscurs avant-postes de l’être…
Indique-moi le jour, indique-moi l’heure et le lieu.
Choisis le minerai du crépuscule, le sens du vent, l’inclinaison des cimes
Ou bien choisis l’aube, la roue solaire, son élévation :
Dicte-moi l’habit, indique quels souliers car j’hésite.
Ne laisse qu’une seule possibilité. Qu’elle soit présente en tout.
Que je reconnaisse en chaque heure l’heure.
En chaque heure l’heure, le jour en le jour, le lieu en le lieu.
Je veux le jour, je veux l’heure, je veux le lieu. Je serai là.
*
Se lever, marcher à tâtons, se baisser, questionner.
Vaticiner en l’air une énigme, être jeté à terre
aux tarses d’autres mystères. Revenir. Faire le tour de la table,
se frotter le visage, se coucher, se lever.
Maintenant. Le bon moment. Persévérer, claquer des doigts –
claquement… pieds gelés : – Quel froid. Tu n’as pas
froid ? – un cri ensuite… une apparition… au mur un parement
éructant… derrière la fenêtre, une terreur blanche.